Luc ARBOGAST

Dans l’1 visible N° 57- Mars 2015

Rencontre. Révélé au grand public par la saison 2 de l’émission The Voice en 2013, Luc Arbogast est un phénomène vocal. Contre-ténor, cracheur de feu, ménestrel.

À quoi s’ajoute une foi inoxydable. Propos recueillis par Magali Germain

 

Rien ne laisse présager une voix pareille. Luc Arbogast possède une voix de contre-ténor coffrée dans un corps de chevalier teutonique. Avec son physique d’indestructible, le gaillard étonne lorsque de son gosier musculeux s’évade somme une complainte de sybille. L’ex-musi­cien de rue puise son répertoire dans les malles l’un Moyen Âge onirique, rendant populaire une musicalité millénaire rythmée par l’épopée de la foi. Parlons-en !

Un avertissement au public ? Il m’arrive de nier sur scène. Chaque fois que je m’apprête à me montrer en public, ma ferveur surprend les gens, le courage dont je fais preuve, car ce n’est pas facile d’assumer ça. C’est une forme de sacerdoce.

L’invisible, comment le voyez-vous ? Omniprésent.

Cette familiarité avec l’invisible vous permet-elle de vous adresser à Dieu ? L’être humain a beaucoup de mal à se figurer le divin. Le Dieu barbu sur un nuage est une image absurde à mes yeux. J’accepte l’idée que Dieu est omnipotent, qu’il est dans tout, présent dans toute la création, et qu’il est en même temps au-delà de tout, mais dans ma prière je ne m’adresse pas à un être inaccessible. Je parle à ce qu’il y a de plus proche de moi. Quand je m’adresse à Dieu, je m’adresse à la source de toute création qui est en moi. Et je le tutoie.

Égrenez-vous des prières ? Mes prières sont assez semblablement toujours les mêmes. Il y a une grande part de reconnaissance et de remer­ciement. Et une phrase qui revient : « Fais de moi un instrument de ta paix: là où se trouve la dis­corde que je mette l’unité. » Cette prière attribuée à saint François d’Assise est très représentative de mon état d’esprit religieux.

Avez-vous reçu la foi au berceau ?Je suis né de parents chrétiens catholiques. Je suis baptisé. J’ai chanté dans une chorale, dans la cathédrale de La Rochelle.

Et la musique ? Enfant, j’ai toujours eu un har­monica ou une guitare entre les mains Dès que je chantais ou que je jouais d’un instrument je chantais pour Dieu. C’est resté.

Si je comprends bien, votre voix est un don au même titre que votre foi ? Complètement. Je le ressens. Si je prends une mauvaise direction artistique, si je joue pour de mauvaises raisons, un petit peu d’ego par exemple, ma voix n’est pas au rendez-vous. C’est uniquement quand je me tourne vers Dieu que je donne le meilleur.

Comment assumez-vous les deux voix anta­gonistes qui sortent de vous ? C’est une jonction. Passer de la voix grave à la voix aiguë, ce n’est rien d’autre que le chemin de l’homme, du matériel à l’immatériel, du visible à l’invisible.

Que célèbrent vos chansons ? Parmi mes thèmes récurrents, il y a une part de foi camouflée sous la mélancolie, la solitude, la communion avec la nature, le voyage. Les anges sont très présents.

Voyageur dans le temps, que rapportez‑vous du Moyen-Âge ? L’art de la rencontre et de l’échange, une chose qui se perd dans le monde moderne. Je ramène également un art de s’émouvoir de peu de choses. Aujourd’hui, avec la télé, les avions, la pollution, la vie pulse. À l’époque médiévale, il y a certes la peste, les ires, etc. mais on sait s’émerveiller. On peut ore le faire aujourd’hui, il faut juste se le peler.

Moyen Âge qui vous fascine est-il une médecine pour notre époque ? J’aime la simplicité antique de l’époque médiévale, une ère très familiale au fond. Ma musique tourne beaucoup autour de la famille, de l’appartenance à un endroit. L’identité régionale me touche. Je suis hostile au nivellement, à l’uniformisation.

Égaré au XXI’ siècle ? Un peu quand même. Ce n’est pas que je sois mal né, mais à cette époque, ma foi, c’est du toc.

À votre garçon de 10 ans, comment expliquez-vous la folie du monde et les attentats ? En réalité, je ne lui en parle pas. Non que je veuille préserver comme Siddartha est protégé de la vérité par ses sujets. La violence et la folie du monde ont toujours existé. Le problème actuel, c’est la médiatisation qui les décuple en les rendant omniprésentes. Il faut savoir que le mal existe sans tomber dans la peur. La peur est déjà un mouvement contraire à la foi. Quand on a la foi, ne doit pas avoir peur.

La foi, votre émeraude ? La foi c’est un cadeau qu’on reçoit de notre filiation à Dieu. On peut l’ignorer ou la développer. On peut la perdre pour mieux la retrouver. Durant les vingt années, où j’ai été musicien de rue, j’ai connu des gens qui n’avaient rien, excepté la foi. Ils s’en nourrissaient et étaient inébranlables.

Un trait de caractère. Angoissé parce que trop perfectionniste.

Un talent caché. Je cuisine énormément. Je dessine aussi beaucoup.

Le prénom de la dame de vos pensées. C’est difficile ça…

Une joie secrète. Des jeux dans le jardin, des abeilles sur une fleur, de la musique, un ballon…

Un objet fétiche. Ma bougette. Cette petite aumônière en cuir que je porte à la ceinture contient un rosaire, des runes scandinaves et de petits Objets à valeur sentimentale.

Un rêve en cours ? Je regrette de ne pas avoir encore pu faire le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui est pourtant le thème de mon spectacle depuis des années.